L’ADTC a déposé ce vendredi 8 novembre 2013 sa contribution à la concertation sur le projet de transport par câble entre l’agglomération grenobloise et le Vercors

Le contexte : maîtrise de l’urbanisation dans le Vercors

L’ADTC a noté que la Communauté de Communes du Massif du Vercors (CCMV) a initialisé une démarche d’élaboration d’un projet de territoire. La mise au point de ce projet, qui va donc définir le futur et le devenir du territoire des 4 montagnes, nous semble un préalable pour concevoir les moyens de transport avec l’agglomération Grenobloise.
Au cours des réunions de concertation, il nous est apparu que les principes du projet de territoire reposeraient sur une maîtrise de l’urbanisation, comme le montrent les derniers PLU mis en place, avec une prévision d’augmentation de la population particulièrement modérée. C’est dans ce contexte que doit être situé le projet de transport par câble.

Manque de cohérence entre projet d’axe et plan local d’urbanisme

La mise en service d’un mode de transport de grande capacité, comme les lignes de tramway et dans une moindre mesure d’un service de transport par câble va de pair avec un accroissement de l’urbanisation pour tirer le meilleur profit de ces investissements. L’exemple du contrat d’axe de la ligne E de Grenoble illustre parfaitement cette tendance. Cette urbanisation permet aussi de lutter contre l’augmentation du coût des logements en accroissant l’offre sur des zones où la demande augmente suite à l’amélioration des conditions de déplacements.
Dans le territoire concerné par le projet de câble du Vercors, le choix annoncé est au contraire de freiner l’urbanisation : le PLU de Lans en Vercors adopté récemment réduit le nombre de terrains constructibles. La création d’un axe de transport lourd ne nous semble pas cohérente avec ces choix opérés en matière d’urbanisation.

Trafic d’échange entre l’agglomération grenobloise et les territoires voisins : quelles priorités ?

Il convient de comparer ce projet de transport par câble aux autres projets de l’agglomération Grenobloise. De nombreux projets de transport public sont en attente de financement : prolongement de la ligne E à Pont de Claix, prolongement de la ligne A à Sassenage, création de ligne de tramway de rocade…
Pour situer l’importance des enjeux, rappelons quels sont les flux concernés. Le tableau ci-dessous donne les flux d’échange circulant entre l’agglomération grenobloise et les 3 « branches du Y » ou le plateau du Vercors, en nombre de véhicules par jour et en pourcentage du trafic d’échange total (données 2009/2010) :

Cluse de Voreppe Grésivaudan Sud Isère Vercors Total
Flux d’échange (v/j) 120 000 96 000 64 000 9 700 289 700
41,4% 33,1% 22,1% 3,3% 100%

Une des solutions pour faire face à l’afflux de véhicules venant du Grésivaudan, de la cluse de Voreppe, ou du Sud-Isère, est de créer un réseau de transports collectifs péri-urbain : tram-train vers Vizille&Vif, tramway péri-urbain vers Moirans ou le Grésivaudan : l’ADTC a adopté lors de son assemblée générale de mars 2013 une motion prenant position pour le développement d’un tel réseau de transports en commun.
Face à ces projets, le projet par câble, s’élevant entre 73,9 M€ (solution télécabine avec implantation station terminus aux Jailleux : Infrastructures : 53,5 + études : 9,4 + intermodalité (stationnement, gare routière) : 11) et 109,2 M€ (solution 3S avec implantation station terminus à la maison du parc : Infrastructures : 83,5 + études : 14,7 + intermodalité (stationnement, gare routière) : 11,) sans compter les aménagements de voirie, pour un trafic estimé de 2250 voyages par jour, nous apparaît comme non-prioritaire dans la mesure où il risquerait de retarder d’autres projets bien plus efficaces en matière de report modal.

Une attractivité limitée

Le trafic annoncé, 2250 voyages par jour et 3200 à terme (soit 33 % des déplacements entre Grenoble et le Vercors) semble optimiste par rapport aux 800 voyages actuels par jour sur les lignes Transisère entre l’agglomération grenobloise et le Vercors.
La difficulté de la desserte par transport collectif du plateau des 4 montagnes réside dans une urbanisation répartie sur plusieurs bourgs ou hameaux et de générateurs de trafic très variables que sont les domaines skiables. Cet habitat dispersé se prête mal à une desserte par câble dans la mesure où le câble doit aller en ligne droite, et n’a une vitesse moyenne attractive que si le nombre de stations intermédiaires reste faible.
Le gain de temps, de fréquence et d’amplitude de desserte apporté par le câble serait limité aux alentours immédiats des gares de St Nizier et de Lans, secteurs où la densité d’habitat est faible. Pour toutes les autres destinations, une rupture de charge avec mise en place de navettes serait nécessaire, et la nouvelle desserte apporterait peu de bénéfices par rapport à la voiture particulière et à la desserte actuelle par car. Ainsi, un trajet entre la gare de Grenoble et Villard de Lans nécessiterait d’enchaîner trois modes de transports (tram, câble et navette) au lieu d’un seul (car).
Ces ruptures de charges sont dissuasives aussi bien pour les déplacements domicile travail que pour les déplacements de loisir. En effet, si la fréquence du câble sera évidemment attractive pour ceux qui résident à proximité immédiate de la gare du téléphérique, pour tous ceux qui devront faire correspondance, c’est la fréquence des cars qui sera la facteur limitant. Si un télécabine offre 1 cabine par minute, mais qu’il n’y a que 2 cars par heure, tous les passagers de téléphérique montant pendant la demi-heure devront attendre le même car…
Dans ces conditions, l’ADTC pense que le saut qualitatif sera insuffisant pour provoquer un report modal massif et donc une forte augmentation des recettes. Le coût du câble apparaît alors disproportionné tant pour l’investissement que pour le fonctionnement.

Absence d’études comparatives avec des solutions alternatives

Conformément aux dispositions de la loi dite Grenelle de l’Environnement, la présentation d’un tel projet doit comporter des études comparatives avec d’autres solutions envisageables, comme le prévoyait d’ailleurs la convention signée en 2012 par Grenoble Alpes Métropole, le Conseil général de l’Isère, le SMTC et la CCMV confiant à Grenoble Alpes Métropole la responsabilité de la maîtrise d’ouvrage pour la phase études de cette liaison par câble. L’ADTC a demandé par courrier le 14 juin 2012 et le 10 octobre 2013 qu’une telle étude soit menée. Elle déplore donc l’absence de toute étude comparative dans le cadre de cette concertation.
Ces études ne doivent pas se limiter aux liaisons Lans – St Nizier – Fontaine qui concernent relativement peu de monde, mais englober l’ensemble de la desserte Grenoble – Plateau du Vercors en intégrant les différents moyens de transport (câble, navette de rabattement, car) et les autres communes concernées (Seyssins, Seyssinet, Sassenage, Engins, Autrans, Méaudre, Villard de Lans, Corrençon).

Des frais d’exploitation à financer

Dans le dossier de concertation, l’ADTC regrette l’absence d’un bilan sur les coûts d’exploitation incluant à la fois le transport par câble, les navettes et les cars maintenus pour la desserte des communes non desservies par le câble. Rien que le coût d’exploitation du câble (3,5 à 4 M€ par an suivant la solution retenue) montre que le coût actuel de 2 M€ pour la desserte Transisère serait largement dépassé.
L’ADTC s’interroge sur le financement, sachant qu’actuellement, aucune amélioration sur le réseau Transisère n’est réalisée pour des raisons budgétaires et bien au contraire, on assiste à des réductions importantes (ligne 6070 par exemple). Si les collectivités sont prêtes à financer des améliorations d’offres de transports publics, ce que l’ADTC a toujours demandé, c’est dès maintenant qu’il faut renforcer la desserte actuelle en inversant la politique actuelle de réduction de l’offre.

Quelques réflexions ou des interrogations techniques dans le dossier de concertation

Plusieurs questions se posent à la lecture du dossier de concertation :
– alors que le premier objectif mis en avant du projet est le développement économique, le dossier de concertation est particulièrement succinct sur ce point ;
– la solution télécabine nécessiterait, en moyenne, un arrêt 21 jours par an (2 jours par mois) en raison du vent, auxquels il faut rajouter les arrêts pour panne ou maintenance. Le dossier soumis à concertation ne donne pas de précision sur le taux d’indisponibilité total, ni sur le dispositif de dépannage, en particulier la fréquence des navettes de substitution ;
– le dimensionnement des parkings à St Nizier ou Lans (50 et 250 places) n’est pas en rapport avec le trafic attendu ;
– la durée annoncée des travaux (2 ans) semble courte compte tenu de la nécessité d’intervenir sur les lignes à très haute tension ;
– la faisabilité de cabines de 35 places disposant d’un éclairage, chauffage et d’une climatisation pour une durée de voyage de l’ordre de 30 minutes n’est pas démontrée,
– la sécurité des voyageurs vis à vis des risques d’agression, pour des trajets de 30 minutes, en particulier en heures creuses ou en contre-pointe, impose des précautions qui ne sont pas évoquées,
– en attendant la mise en service d’un tel projet (au mieux en 2019), quelles mesures sont prises pour améliorer la situation ?

En conclusion

Le système de transport par câble est a priori très efficace pour franchir des obstacles ou des dénivelés importants. Mais dans le cas de la desserte du Vercors, où la population à desservir est dispersée sur un plateau, ce système se révèle finalement peu adapté compte tenu des ruptures de charge.
De plus, son coût est relativement élevé, en investissement comme en exploitation, si on le compare au trafic espéré, alors que d’autres investissements de transport sont beaucoup plus urgents à satisfaire. Rappelons que le trafic d’échange avec le Vercors ne représente que 3% du trafic d’échange entre l’agglomération de Grenoble et les 3 branches du « Y grenoblois ».
Suite à l’amélioration de la desserte par car il y a quelque années, on a observé une nette augmentation de la fréquentation, avec la saturation de certains services. L’ADTC regrette que l’amélioration ne se soit pas poursuivie et qu’au contraire, le Conseil général soit plutôt dans une logique de réduction de l’offre avec la suppression de certains services pendant les vacances scolaires, en totale contradiction avec les déclarations en faveur des transports publics et les justifications du projet de câble.
L’ADTC demande donc que, conformément aux dispositions prévues par la loi « Grenelle de l’Environnement », des solutions alternatives d’augmentation des fréquences des lignes de cars desservant le plateau du Vercors soient étudiées et chiffrées. La mise en service de cette offre améliorée pourrait être nettement plus rapide que celle du câble, et si les horaires répondent bien aux besoins, le report modal induit, pour un coût global comparable, pourrait être meilleur.

contribution ADTC concertation projet câble Vercors

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