Grenoble, le 8 décembre 2023

Contribution de l’ADTC – Se déplacer autrement –

à l’enquête publique sur le projet de liaison par câble entre Fontaine et Saint Martin le Vinoux

Le projet de transport par câble reliant Fontaine La Poya à St Martin le Vinoux via la presqu’île de Grenoble constitue un important investissement pour le transport public. L’association ADTC – se déplacer autrement – a analysé le dossier sur son aspect déplacement en examinant :

– la justification de ce projet, c’est-à-dire les avantages qu’il procurerait aux usagers et le report modal pour limiter le recours à l’usage de la voiture individuelle.

– le coût réel de sa réalisation

– les solutions de variantes

1 – Un investissement lourd en l’absence de besoins importants

Les investissements dans les infrastructures de transport public représentent toujours des montants élevés. Pour justifier ces investissements, il faut que les trafics soient importants ou les potentiels de report modal élevés. Ainsi par exemple, la construction d’une ligne de tramway ou d’une ligne de BHNS vient conforter des lignes de bus déjà bien chargées pour répondre à la demande et conforter le transport public sur un axe à fort potentiel.

Dans le cadre du projet Métrocable, le trafic sur l’axe de desserte choisi est faible et les prévisions de trafic ne montrent pas de véritable report modal.

Un trafic actuel modeste très loin de justifier des investissements pour passer en mode lourd

Si l’on prend le trafic entre Fontaine et la Presqu’île, la ligne C6 offre déjà une liaison intéressante avec une fréquence élevée (toutes les 10 minutes), sur une très large amplitude. C’est une ligne classée Chrono, c’est-à-dire faisant partie des meilleures lignes du réseau en matière de qualité offerte, et qui traverse les communes de Fontaine, Seyssinet et Seyssins. Cette ligne offre ainsi un bon accès à la Presqu’île sans rupture de charge depuis de nombreux points de la rive gauche du Drac. Pourtant le trafic reste très modeste avec seulement 450 montées/descentes sur les arrêts Presqu’île et Martyrs.

Comment le projet Métrocable pourrait-il augmenter ce trafic alors qu’il en générerait une rupture de charge à La Poya sans aucun avantage en termes de temps de parcours ?

Le besoin de desserte ne concerne pas uniquement un usager se rendant de La Poya à la place de la Résistance, mais tout un ensemble d’habitants se répartissant sur un large territoire et se rendant sur un ensemble de sites répartis sur toute la longueur de l’avenue des Martyrs

Un exemple concret :

Un usager allant de Fontaine à Minatec, aujourd’hui, emprunte la C6 (qui passe toutes les 10 minutes) puis au terminus Oxford, traverse la chaussée pour emprunter la ligne B du tramway (qui passe toutes les 4 minutes).
Avec le Métrocâble, ce même usager emprunterait la C6 ou le tram A jusqu’à La Poya, descendrait du bus pour monter (escalier ou ascenseur) sur le quai du Métrocâble pour prendre une des cabines passant toutes les 73 secondes (rien à voir avec la fréquence observée dans les stations de ski). Compte tenu de la capacité réduite des cabines (6 places assises, 6 debout), et de l’apport soudain d’usagers descendant du bus ou du tram, il devrait peut-être attendre la cabine suivante surtout s’il ne veut pas voyager debout, solution peu confortable dans une télécabine. A Oxford, il descendrait (escalier ou ascenseur), traverserait la chaussée pour enfin rejoindre la ligne B du tramway.
Bilan :
la plupart des usagers subirait une augmentation du temps de parcours et le désagrément d’une correspondance supplémentaire, le Métrocable ne permettrait pas d’attirer de nouveaux usagers !

La rupture de charge, c’est-à-dire l’obligation de correspondance pour changer de mode, a un effet négatif sur la fréquentation. À titre d’exemple, la correspondance obligatoire au sud entre la ligne E du tramway et la ligne C2 a généré une perte de trafic sur la ligne (moins 66 % indiqué page 86 du bilan LOTI de la ligne E) alors qu’au nord, la ligne 1 devenue ligne E a vu son trafic s’accroître depuis l’ouverture (plus 80 %)

Les trafics sur les lignes desservant les autres territoires restent modestes et par exemple la ligne 22, qui irrigue la rive droite de l’Isère avec une fréquence à 15 minutes, ne dépasse pas 586 montées/descentes sur les arrêts Presqu’île et Martyrs. Cependant, depuis l’arrêt Oxford, elle dessert directement la totalité de Saint Egrève, alors que la Métrocable pénaliserait la plupart des usagers actuels en leur imposant une correspondance à Saint Martin le Vinoux Mairie.

Par ailleurs, les échanges inter-rives incluant l’accès à la Presqu’île depuis la rive droite de l’Isère ou la rive gauche du Drac ne dépassent pas 2000 voyages par jour (page 23 pièce D).

Le trafic actuel est donc bien loin des seuils habituels justifiant des investissements de plusieurs dizaines de millions. Cet investissement n’apporterait aucune plus-value pour les usagers se déplacement actuellement en bus.

Des études de trafic ne montrant pas de véritable report modal

Les études de trafic présentées dans le dossier datent de mai 2021 et ne prennent pas en compte la réduction importante de l’urbanisation dans le projet Portes du Vercors.

Le trafic estimé en 2025 est de 4600 voyageurs par jour et l’étude indique qu’ils proviennent essentiellement d’usagers TC existants et que le report modal concernerait seulement 5 % du trafic.

Aucune explication n’est donnée sur la différence entre la fréquentation de l’enquête de l’O/D TC 2016 (2000 voyages) et la valeur de 4600 dont 93 % reportés des transports collectifs.

Quoi qu’il en soit, le résultat important de cette étude indique bien que le report modal est insignifiant (5%). Comment pourrait-il en être autrement alors que le projet de Métrocable imposerait une rupture de charge, qui est un facteur de perte d’attractivité, sans apporter d’avantage en termes de confort (au contraire, il faudra monter dans les cabines) ou de temps de parcours, car il faut intégrer les transferts entre modes.

Le trafic estimé en 2035 serait de 7700 voyageurs dont 8 % utilisent la voiture.

Le report modal reste toujours faible mais l’étude de trafic précise le lien entre trafic et urbanisation en indiquant « Le projet câble … semblent donc intimement lié aux projets urbains du secteur qui seront réalisés à proximité des stations du câble » (page 39 pièce D). Comme une grande partie des projets d’urbanisation du projet Portes du Vercors a été abandonnée, l’estimation du trafic se trouve surévaluée et serait à recalculer. D’ailleurs, l’Autorité Environnementale confirme cette analyse en indiquant « L’augmentation de la fréquentation entre 2025 et 2035 est principalement due à l’urbanisation du secteur et tend à démontrer le lien fort entre ces opérations »

Compte-tenu des nouvelles perspectives d’urbanisation, cette modélisation n’apparaît donc plus adaptée et surestime le trafic attendu en 2035.

Malgré cette surestimation de l’étude, les perspectives de trafic et surtout les prévisions de report modal sont manifestement bien trop modestes pour justifier un investissement aussi élevé. Avec une étude actualisée, les résultats seraient encore plus dégradés confirmant l’absence de pertinence de cet investissement.

Pour quelles raisons dépenser de telles sommes si on n’attire pas de nouveaux usagers de la voiture ?

Une analyse déjà identifiée par la commission d’enquête 2018 sur le projet de PDU

Dans son rapport, la commission d’enquête sur le projet de PDU 2030 avait déjà identifié la faiblesse de la justification du projet Métrocable et avait formulé 2 recommandations sur ce point :

« REC 5 : La commission d’enquête souhaite que la problématique d’extension du réseau de tramways soit réétudiée et mise en regard, en termes de montant d’investissements, de nombre d’usagers transportés, et de priorité dans le temps, avec d’autres investissements lourds (Métrocâble) sur la période allant jusqu’à 2030.


REC 8 : La commission d’enquête souhaite que la question du Métrocâble soit ré-analysée, en termes de montant d’investissements, de nombre d’usagers transportés, et de priorité dans le temps, en concertation avec les associations représentatives des usagers, en particulier l’ADTC, LAHGGLO, « le chaînon manquant », etc. »

L’ADTC regrette que les recommandations de la commission d’enquête sur le PDU 2030 n’aient pas eu de suites concrètes et constate que le dossier d’enquête publique n’apporte pas de réponses à ces interrogations.

2 – Un projet qui ne prend pas en compte l’ensemble des coûts

Le projet Métrocable nécessite un aménagement au niveau du terminus La Poya de la ligne A de tram. La rigidité du tracé qu’impose la technique du câble positionne la station terminus loin des correspondances actuelles bus ou tramway.

Le SMMAG a identifié cette difficulté et développé le projet de réaménagement du pôle d’échanges multimodal (PEM) de Fontaine La Poya, qui comprend le déplacement de la station de tramway pour la rapprocher de celle du Métrocable et la mise en place des arrêts de bus pour faciliter les correspondances. Le SMMAG a lancé en 2021 une concertation sur ce projet.

Ce projet de Pôle d’Échange Multimodal – qui aurait comme défaut majeur d’éloigner du tram les habitants du Sud de Sassenage et les clients du centre commercial – est donc directement lié au projet de Métrocable et n’aurait aucun sens sans le Métrocable. Pour l’ADTC, il est anormal que le coût de réaménagement de ce pôle d’échanges (évalué à 15M€ dans le dossier de concertation de 2021) ne soit pas intégré dans le dossier de l’enquête publique et dans l’évaluation socio-économique… alors que les prévisions de fréquentation du Métrocable semblent intégrer ce réaménagement.

L’absence de prise en compte du réaménagement de terminus La Poya, alors qu’il représente 23 % du coût de l’opération présentée, est de nature à s’interroger sur la validité de l’enquête.

3 – Des projets de variantes insuffisamment étudiés

Un projet de variante en BHNS inadapté aux besoins

Le dossier présente une variante de BHNS reprenant en garde partie le tracé du Métrocâble. Comme le tracé du Métrocâble ne correspond pas un axe de trafic fort, la création d’un axe de BHNS sur cet axe n’a pas de sens. Pour l’ADTC, la démarche devrait être la suivante : quels sont les axes actuels de trafic, quels sont les besoins en matière de déplacements, quelles sont les solutions techniques pour chaque axe de trafic de façon à répondre aux besoins ? Dans cette analyse multicritères, plusieurs solutions techniques pourraient apparaître en mettant en regard les coûts associés.

Le projet de variante en BHNS reprenant en grand partie l’itinéraire du Métrocable ne présente pas de pertinence comme variante, la technique BHNS se justifiant que pour des lignes à trafic élevé.

Un projet majeur en termes d’investissements pour la Métropole

Le montant de l’investissement pour le projet Métrocâble est très élevé. Si il est estimé à 65 M€ dans le dossier de l’enquête, le SMMAG a indiqué durant l’enquête que le coût s’élevait maintenant à 73 M€, montant auquel il convient d’ajouter le coût du réaménagement du PEM La Poya, qui comme on l’a vu, fait partie intégrante du projet. Le coût total du projet Métrocable s’établit donc à 88 M€. Ce projet représente de loin la part la plus importante en matière d’investissements sur les infrastructures en transport public de la Métropole. Il ne peut être examiné seulement au niveau du secteur Nord-Ouest de la Métropole. C’est l’ensemble des besoins de l’agglomération qui doivent être analysés et hiérarchisés pour déterminer quels sont les investissements prioritaires. Cette analyse est absente du dossier.

Comment peut-on justifier un investissement de près de 90 M€ pour un trafic de 4600 voyageurs en 2025 et sans doute à peine plus en 2035, avec un espoir de report modal particulièrement modeste alors que de nombreux besoins de prolongement de tramways ont été identifiés comme à titre d’exemple le prolongement de la ligne E au Pont de Claix (estimé à 145M€ dans le PDU 2030) ?

L’ADTC propose un ensemble de mesures pour desservir le territoire Nord-Ouest de la Métropole

Dans le cadre de la concertation sur le micro PDU, l’ADTC a proposé différents aménagements comme le prolongement de la ligne A de tramway à Sassenage ou la création de passerelles vélos-piétons qui manquent actuellement pour accéder en mode actifs à la Presqu’île. Ces différents aménagements sont en capacité de provoquer un report modal important.

Ces propositions sont présentées dans une annexe à cette contribution, annexe qui a été élaborée dans le cadre de la contribution à la concertation sur le projet de micro PDU du territoire Nord-Ouest de la Métropole en 2021.

Des propositions réalisables à court terme

– retour à une fréquence de 10 minutes au moins sur la ligne C6 du lundi au samedi de 7h à 19h toute l’année

– transformation en ligne chrono (intervalle maximum de 10 minutes entre 2 passages du lundi au samedi de 7h à 19h et fonctionnement jusqu’à minuit) de la partie Seyssinet-Pariset – Fontaine – Sassenage et renforcement entre Sassenage, Noyarey et Veurey-Voroize de la ligne Proximo 20 Seyssinet-Pariset – Veurey-Voroize

– Prolongement à Sassenage de la ligne 22 et desserte du parc d’Oxford à St Martin le Vinoux par la ligne 22 dans le sens Presqu’ile – St Egrève

Des propositions réalisables à moyen terme

– prolongement de la ligne A de tramway à Sassenage

– réalisation de passerelles piétons-vélos : Presqu’Ile de Grenoble – Fontaine sur le Drac et l’A480 et Esplanade – Jean Macé sur l’Isère à Grenoble

On peut remarquer que le coût de mise en place des propositions de l’ADTC pour la desserte de la Presqu’île et du secteur Nord-Ouest est sans commune mesure avec le budget de 90 M€ du projet Métrocable, tout en offrant une palette très large de solutions de déplacement.

Conclusion : Avis de l’ADTC – Se déplacer autrement

Compte-tenu :

– du trafic relativement modeste en regard du montant de l’investissement

– de la surestimation de la fréquentation du Métrocable, du fait que l’étude de 2021 ne tient pas compte de l’abandon partiel du projet Portes du Vercors,

– de l’absence significative d’effet sur les déplacements en matière de report modal,

– de l’absence d’intérêt et d’amélioration pour les déplacements actuels en transport collectif,

– de la dégradation des dessertes qui découlerait du projet de Métrocable (ligne A raccourcie, suppression ou réduction de l’accès direct à la Presqu’île depuis Fontaine, Seyssinet, Seyssins assuré par les lignes C6 et 22),

– du coût très important de cet investissement pour les finances publiques

– de la présentation sous-évaluée du projet en omettant d’intégrer le coût du remaniement obligatoire du terminus de La Poya (15 M€),

– de l’absence d’étude de variantes pertinentes d’aménagement de ce secteur,

– des besoins importants de développement du réseau de tramway nécessitant de prioriser les crédits en faveur des opérations les plus utiles en terme de déplacement et de report modal,

l’ATDC – se déplacer autrement – demande à la commission d’enquête d’émettre un avis défavorable

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Annexe : contribution-ADTC-micro-PDU-Territoire-NordOuest-Métropole-29 juin 2021

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